vendredi 26 avril 2013

La vie et la mort au coin de la rue...

A la fin de l'année 2011, nous avons commencé à travailler avec les enfants et les jeunes du quartier Villa Hipódromo. Là, a fonctionné pendant plus de 15 ans un Points-Coeur (communauté de jeunes expatriés apportant amitié, aide et réconfort aux enfants et à leur famille). En 2011, s'y est installé un frère de communauté de Charles de Foucault, le frère Claudio. Seul dans ce quartier plutôt compliqué, il a très vite eu recourt aux volontaires de la Pastorale de l'enfance en situation de risque pour l'aider à faire vivre cette maison de quartier.

Avec Pablo et d'autres volontaires, nous nous y rendions une ou deux fois par semaine. Pas évident alors de se rendre compte de la réalité du quartier. Claudio a souvent été témoin des bagarres, des affrontements armés et des conflits qui rythment la vie du quartier. Nous, nous y allions pour quelques heures, le temps de partager une activité et des discussions avec les enfants et les jeunes. Nous percevions les ressentiments et la violence accumulée, comme si la violente réalité sociale dans laquelle ils vivent s'était imprégnée en eux.

Parmi les jeunes que nous accompagnions, il y avait Marco (nom fictif ). Nous le voyions parfois très violent, parfois intéressé aux activités que nous proposions, parfois fermé à tout contact, parfois ouvert au partage et à la discussion... Cette ambivalence nous faisait penser que Marco pourrait sortir du cycle de la violence et de la délinquance... Puis, il a pris ses distances. Nous le croisions parfois dans la rue. Mardi après-midi, Marco, 14 ans, a tué son voisin...

Aurions-nous pu éviter cela? Difficile à dire... Nous nous sentons tout petits et impuissants devant la réalité si complexe... La goutte d'eau dans l'océan est importante certes, mais, qu'est-ce qu'une goutte d'eau dans un champ de bataille à feu et à sang?

Loin d'être pessimiste ou de remettre en question notre travail dans les quartiers périphériques de Santa Fe, ce questionnement nous met face à l'ampleur du problème, à la complexité de la réalité et nous fait réfléchir sur le monde, sur l'humain, sur Dieu...

J'aimerais reprendre ici quelques mots écrits par frère Claudio:

"Malheureusement, dans notre quartier, deux personnes, des adolescents, presque des enfants, sont morts : celui qui est mort et celui qui a tué. Celui qui est mort n’existe déjà plus comme une personne qui vivait à nos côtés et qui avait la possibilité de changer de vie s’il s’était trompé de chemin, d’être pleinement heureux, en famille, auprès de ses enfants et de travailler pour créer une société nouvelle… Cela n’existe plus ; il est MORT !
Celui qui a tué porte en son cœur la marque de Cain, le fait d’avoir tué son frère, la marque du sang dans ses mains et ce, jusqu’au jour où il rencontrera notre Bon Père… Mais, comment se répercute cet acte dans son cœur, dans sa vie, dans son futur ? Il VIT ?
Les deux étaient des adolescents, presque des enfants, avec toute la vie devant eux, avec des espérances, des rêves, du travail, une famille, des enfants, enfin, tout était à faire ! Mais ces deux vies ont été foutues en l’air de manière presque absurde.

Nous ne pouvons pas laisser que ces faits nous déshumanisent ! La mort des innocents, les nuits que nous vivons sous les coups de feu, les familles qui se jurent vengeance, la société de notre quartier qui est victime d’elle-même, l’angoisse des enfants, les visages déformés par la haine, la colère, la vengeance… Ce ne sont pas des réalités humaines, ce sont de terribles ombres qui s’abattent sur chacun de nous.

Nous devons émerger des ces ombres effrayantes, nous devons nous unir devant un tel mépris pour la vie, devant la banalisation du fait que, régulièrement, nos enfants meurent, dans nos rues. C’est une réalité qui nous déshumanise, qui nous rend moins humains… Chaque vie est un miracle et nous avons besoin de chacune d’elle pour accomplir le plan de Dieu pour l’humanité… Travaillons entre tous, unissons-nous, recherchons tous ensembles les moyens d'y parvenir! Occupons-nous et éduquons nos enfants à la solidarité, au sens du travail, aux études et à l’effort ; partageons cet engagement en communauté, commençons un nouveau chemin, ouvrons nos cœurs à l’espérance qui ne trompe pas et disons NON à la violence, OUI à la vie, NON à la désunion, OUI à la fraternité."

mercredi 17 avril 2013

Mon frère privé de liberté


Hier, je suis allée, comme tous les mardis après-midi, dans le commissariat n°1 de la ville de Santa Fe, afin de visiter les hommes qui y sont détenus. A chaque fois, je ressors impressionnée par les échanges que nous avons avec les prisonniers, par leurs questions si profondes, par leur recherche spirituelle et leur témoignage de vie. Tout en écoutant Matías, je scrutais ses tatouages, me laissais toucher par ses mots (ceux qui sortaient de sa bouche et ceux qui sont gravés sur son corps) et il m’est revenu en mémoire les paroles si souvent répétées par le Père Gabriel Carron : nous allons en prison, pas pour convertir l’autre, mais pour se convertir soi-même !

60 km à pied, ça use, ça use...

En route au petit matin

Chaque année, il s’organise à Santa Fe un grand pèlerinage à la Basilique de Guadalupe. Avec la Pastorale pénitentiaire, la tradition est de partir de la prison de Coronda, située à une soixantaine de kilomètre de Santa Fe et de marcher jusqu’à la Basilique. Pour cela, il nous faut partir à 3h30 du matin afin de commencer à marcher à 4h30 et arriver à la Basilique pour minuit où nous participons à la messe. Cette année, nous étions 25 à relever le défi et nous avons porté dans notre marche les intentions des prisonniers, de leur famille, des enfants en situation de risque, etc.



De maison en maison 
Des pauses bien méritées


Des gauchos sur notre chemin
Arrivée à Santa Fe




Projets de construction


Les travaux de rénovation de la maison de quartier et de la chapelle dans le quartier San Agustín II touchent bientôt à leur fin. Il en va de même avec la construction des trois salles de classe pour l’école San Vicente de Paul.

Ces travaux ont été l’occasion pour « nos » maçons d’apprendre à utiliser de nouvelles techniques ou du moins, de pouvoir réaliser des tâches qui normalement sont confiées à des personnes plus expérimentées. Ce fut le cas lors de la pose de mosaïques et au moment de fixer le plafond. Chacun de hommes impliqués dans ces travaux a pu, certains pour la première fois, poser le sol et le plafond. C’est un aspect important pour nous, car cela donne une valeur ajoutée considérable à notre projet ! Encore une fois, il ne s’agit pas seulement de construire des murs, mais bien de construire des liens, des apprentissages, des bases solides pour un futur meilleur.

Pour la pose des plafonds, notre ami Gonzalo est généreusement venu enseigner la technique... 

Gonzalo et Pablo



vendredi 5 avril 2013

De retour en Terre Argentine

Et voilà, réjouissez-vous, notre silence va prendre fin et nous recommencerons à poster des nouvelles régulières! Voilà déjà un mois et demi que nous sommes de retour en Terre Argentine après quelques semaines de pause en Suisse!

Que retenir des ce séjour dans mon cher pays? Beaucoup de rencontres, beaucoup d'amitiés, de bons moments partagés avec des personnes que nous n'avions plus revu depuis un an et demi... Je retiens la tranquillité ressentie dans cet état de vacances du corps et de l'esprit. Je retiens la beauté des montagnes, le scintillement de la neige, l'élévation du coeur à chaque fois que je monte en altitude! Je retiens les moments partagés avec la famille qui me relie à mes racines.
Je retiens aussi l'intérêt que les personnes rencontrées portent à notre mission en Argentine ainsi que cette sorte d'admiration pour notre engagement... Admiration que je ne peux accepter, vu qu'à mes yeux, nous ne faisons rien d'extraordinaire, si ce n'est d'avoir la chance de vivre une expérience différente qui nous enrichis énormément!

Tout cela a servi à recharger nos batteries et revenir enthousiastes à Santa Fe pour redémarrer une année d'engagement, de service auprès des prisonniers, des enfants et des familles pauvres de la ville.